PULIGNY-MONTRACHET


La carte ci-jointe, tirée du terrier de Puligny-Montrachet (document identifiant sous l’ancien régime les propriétaires de toutes les parcelles du village, en somme le prédécesseur de notre cadastre), montre bien que les croix actuelles sont pratiquement à l’emplacement même de celles qui existaient déjà au XVIIIe siècle (le terrier a été réalisé entre 1741 et 1747).






Orientation
1 - Croix sur la place de Johannisberg

Latitude :  46° 56' 44,11" N
Longitude : 4° 45' 09,32" E

Altitude : 228,50 m
Taille : environ 4,50 m


Pourquoi toutes ces croix sur les places et les chemins de nos villages ?
Nos aïeux ont voulu témoigner ainsi de leur foi en Jésus ressuscité après avoir été soumis à cet horrible supplice.

Inscriptions :
Sur le croisillon: INRI
À la base du fût, sur le dé, face antérieure :
O CRUX
AVE
1805
Cette classique citation de l’hymne Vexilla regis est accompagnée de la date où la croix a été élevée.

Moins ordinaire est l’emplacement de l’autre inscription, non pas sur la face unie du piédestal, mais sur la corniche qui le coiffe, sur la partie courbe en surplomb, comme si les commanditaires avaient voulu que leurs noms figurent, mais de façon relativement discrète.
face antérieure : J B  IOLY &
face droite : J . GIRARDIN . S . E



Il s’agit de Jean-Baptiste Joly et de Jeanne Girardin son épouse. Jean-Baptiste Joly, propriétaire, né à Puligny, est mort à l’âge de 79 ans en 1812. Il avait donc 72 ans quand il a fait construire la croix. En revanche, son épouse Jeanne Girardin, originaire d’Auxey, est morte à 69 ans le 19 prairial an XII, soit le 8 juin 1803, c’est-à-dire qu’elle était décédée depuis deux ans quand la croix a été faite, ou tout au moins quand la date a été gravée.

Sur l’inscription, la lettre J de Joly est transcrite par un I, ce qui ne se fera plus guère au XIXe siècle. D’ailleurs, les autres J, ceux des prénoms, sont bien formés. On remarquera aussi le signe qui est gravé à la suite du mot Joly : c'est peut-être la marque du tailleur de pierre, ou un monogramme des époux Joly-Girardin, ou tout simplement une esperluette, abréviation de la conjonction "et".


La croix n'est pas mentionnée sur le terrier des années 1740 : on peut supposer que Jean-Baptiste Joly a fait construire une croix qui n'avait pas d'antécédent.
Le plan d’alignement de 1844 montre qu'elle se dressait alors au milieu de la place, à côté de l’abreuvoir qui donnait son nom à la place. Cet emplacement central est classique pour les croix anciennes, car elles devaient être visibles de toutes les directions. Les cartes postales d'antan nous restituent la situation.

L’abreuvoir a disparu, apparemment très convivial avec sa margelle où chacun venait s’asseoir. Il a été remplacé par le monument actuel, et la croix a été déplacée et installée sur un bord de la place. Elle est bien entretenue, mais la pierre du piédestal s'étant fendue, il a fallu la réparer, en mettant en place des crochets de fer qui assurent sa cohésion. L’emmarchement primitif, certainement en mauvais état, a été remplacé par une marche de béton. En déplaçant la croix, on a pris soin de conserver les quatre bornes de protection qui participent à la physionomie du monument.
La partie supérieure du fût est constituée d'un morceau différent du reste de la colonne : c’est sans doute une réparation ancienne, car cela apparaît sur les vieilles cartes postales.







Orientation
2 - Croix devant l’église

Latitude :  46° 56' 48,83" N
Longitude : 4° 45' 10,99" E

Altitude : 231,40 m
Taille : 4,10 m


Toutes ces croix ont été érigées au XIXe siècle pour remplacer de plus anciennes détruites pendant la Révolution. Notez la date inscrite sur le socle : 1795, un an après la mort de Robespierre.

Inscription :
D'après cette date, il est vraisemblable que cette croix est la toute première parmi celles de la paroisse de Meursault à avoir été rétablie après la vague de destructions de 1793. Il est vrai qu'à Volnay également la municipalité a décidé de relever trois croix dès le 24 juillet 1795, mais nous ne savons pas si cette décision a été immédiatement suivie d'effet.
Cette croix existait avant la Révolution puisque le terrier la présente au même endroit. L'église était alors entourée par un cimetière clos par un mur, probablement le cimetière originel du village.
Il y a lieu de croire qu'il s'agissait de la croix du cimetière. Elle n'était pas sur la clôture comme maintenant, mais à l'intérieur de l'enclos qui s'étendait davantage en direction du nord. L'actuelle rue de l'Église  était alors fort étroite.

Le graveur a tracé les lettres N en les inversant, chose qu'on ne verra plus guère au cours du siècle.

Anne Carillon est décédée en 1812 à l’âge de 75 ans. Née à Puligny en 1737, elle avait épousé le 23 novembre 1756 Claude Latour, propriétaire, né lui aussi à Puligny vers 1734. Elle semble avoir employé son veuvage à rétablir les croix abattues par les révolutionnaires. On le verra, c’est au moins quatre croix du village de Puligny qui ont ainsi bénéficié de son intervention. Une telle ténacité semble être un cas unique dans toute la paroisse.

Il fallait qu’elle dispose des moyens nécessaires, certes mais surtout qu’elle ait une volonté inflexible pour mener à bien une reconstruction de croix dans une période aussi troublée. Bien sûr, la grande Terreur venait de se terminer, mais la violence des sentiments antireligieux était encore très vive chez ceux qui avaient pris part aux actions révolutionnaires. Comme partout en France, la population était certainement profondément divisée à Puligny, et une telle initiative ne pouvait laisser personne indifférent. Pendant toute la période du Directoire les complots royalistes aussi bien que jacobins ont troublé la vie politique française. On a continué à poursuivre les prêtres réfractaires, et le pouvoir a tenté de promouvoir le culte décadaire, pour remplacer le catholicisme.
Plus tard, les tensions religieuses se sont apaisées avec le Concordat de 1801, appliqué à partir de l’année suivante, qui établissait les bases d’un nouveau fonctionnement entre les institutions civiles et religieuses.
C’est à ce moment (vers 1802-1803) que l’on a vraiment commencé à relever les croix de la paroisse. D’ailleurs, Anne Carillon n’a rétabli sa deuxième croix qu’en 1802. Avait-elle subi des pressions ou des menaces après son action de 1795 ? Sa hâte du début, aussi bien que la continuité de ses efforts, sont le témoignage d’une foi ardente et d’un réel courage.


Comme on l'a vu, le piédestal de cette croix sert maintenant à fixer la clôture qui borde l'église.
 


 
Orientation
3 - Croix de mission sur la place du Monument

Latitude :  46° 56' 45,85" N
Longitude : 4° 45' 15,72" E

Altitude : 228,30 m
Taille : 5,70 m
Il s’agit d’une croix de mission. Tout au long du XIXe siècle, l’Église a envoyé des frères prêcheurs pour ranimer la foi dans nos campagnes. Pendant quelques jours les offices, les sermons et les confessions se succédaient. Le dernier jour, une croix était élevée pour en marquer le souvenir. Ultérieurement cette croix de bois a été remplacée par une croix de pierre.

Inscriptions :
sur le croisillon:
                                                                 INRI
Sur le piédestal:

Face antérieure :               A L’IMMACULÉE CONCEPTION
Face droite :       C’EST PAR LA CROIX QU’ON ARRIVE A LA GLOIRE
Face gauche :            SEIGNEUR AYEZ PITIÉ DES TRÉPASSÉS
Face arrière :                                    O CRUX AVE
                                                      MISSION DE 1856
                                                        INDULGENCE
                                                       DE 100 JOURS.
                                                  RESTAURÉE EN 1903.

L’hommage à l’Immaculée Conception était d’actualité en 1856. Cet article de foi était reconnu depuis longtemps dans l’Église, mais c’est le pape Pie IX qui en a fait un dogme le 8 décembre 1854.
La citation « C’est par la croix qu’on arrive à la gloire » se retrouve sur une autre croix de la paroisse, à Saint-Romain.
L’inscription « Seigneur ayez pitié des trépassés » tient peut-être compte du fait que la place était autrefois un cimetière. Il est possible qu’on ait repris ce qui était gravé sur une croix antérieure.

En effet, cette croix érigée en 1856 à l’occasion d’une mission en a remplacé une autre située au même endroit, sur ce qui s’appelait alors la place du Grand Cimetière. On la voit sur les plans de 1839 et 1844 (cadastre et plan d’alignement). On la trouve plus tôt encore sur le terrier des années 1740. Dans l'hypothèse probable où elle aurait été abattue par les révolutionnaires, nous aurions sous les yeux la troisième croix érigée sur cette place.

Détail d'une carte postale ancienne
Elle se trouvait d'abord au centre du quadrilatère, comme on le voit sur les anciennes cartes postales. Pour autant qu’on en puisse juger, le Christ avait encore son bras droit.
Puis elle a été déplacée dans l’angle sud-est pour permettre l'installation du monument aux morts de la Grande Guerre. Elle a été retournée à cette occasion : le Christ est maintenant face à l’occident, ce qui est plus conforme à la tradition des croix orientées.  On peut regretter que les trois marches qui soutenaient la croix n’aient pas été refaites dans leur intégralité. Les quatre bornes de protection, un moment remises en place, ont fini par disparaître. Sur une photographie de 1979, on aperçoit encore deux bornes, et une troisième qui est cassée. On n'en voit maintenant plus trace.
Dans sa situation actuelle, la croix est proche des arbres, et de ce fait davantage exposée aux branches qui risquent de dégrader ses sculptures délicates en cas de tempête.


Le piédestal ainsi que le fût cylindrique lisse se signalent par leur sobriété.
En revanche la partie supérieure est très ornée. Chapiteau corinthien, fleurons très ouvragés, tout concourt à une impression de raffinement. Bien que mutilées, les deux statues sont de belle facture.


Celle de la Vierge à l’Enfant se trouve au revers de la croix. Dans la paroisse, il n’en existe qu’une autre disposée ainsi, à Monthelie. C’est une Vierge non couronnée, debout sur une console ornée, qui tient l’Enfant Jésus sur son bras gauche.





Orientation
4 – Croix du cimetière

Latitude :  46° 56' 58,62" N
Longitude : 4° 45' 13,85" E

Altitude : 226,40 m
Taille : 3,60 m
Cette croix au milieu du cimetière, comme d’ailleurs toutes les croix au-dessus des tombes, symbolise la foi en la vie éternelle. Par sa résurrection, après sa mort sur la croix, le Christ a ouvert pour toute l’humanité l’accès au salut.
Inscription sur le dé à la base du fût :
O CRUX
AVE
1803

La date 1803 semble indiquer que le cimetière a commencé à être utilisé à cette époque, et qu’on s’est mis à délaisser celui de l’actuelle place du Monument
Il n’y a pas de marche apparente, le piédestal semble posé directement sur le sol.
Ce piédestal est sans décor, sans inscription et sans console.
La recherche et l’élégance du fût contraste avec la simplicité du reste de la croix. Ce fût, de section octogonale, est décoré de cannelures.


Quant au croisillon, de section carrée, il est légèrement chanfreiné, et comporte le titulus INRI
Cette croix est en mauvais état. Le piédestal n’est pas intact, mais surtout il manque un morceau de la partie inférieure du croisillon, qui penche de manière inquiétante.






Orientation
5 - Croix de la rue de Bois

Latitude :  46° 56' 43,06" N
Longitude : 4° 45' 35,85" E

Altitude : 223,80 m
Taille : 3,30 m


Croix érigée à la mémoire d’une pieuse dame qui permit de restaurer plusieurs des croix de Puligny-Montrachet (n° 2, 6 et 7) 
Voilà encore une croix qui n'est pas mentionnée sur le terrier des années 1740. Sa construction a dû se faire à la date mentionnée sur le dé.

Inscription sur le dé à la base du fût 
O CRUX
AVE
1803
Inscription sur le piédestal :
A LA MEMOIRE
DE ANNE CARILLON
VEUVE LATOUR


Cette croix est en partie engagée dans le mur de clôture d’une vigne. Il n’y a pas d’emmarchement visible. S'il en existe un, il doit être enterré. En effet, les moulures inférieures du piédestal, visibles sur d'anciennes photographies, ont disparu avec le remblai de la route occasionné par des travaux.

Bien que la croix soit érigée à sa mémoire, Anne Carillon n’était pas encore morte en 1803. Il est possible que l’inscription ait été ajoutée quelques années plus tard, après son décès survenu en 1812. D'ailleurs, la typographie du piédestal est différente et plus régulière.
Le croisillon, en forme de croix grecque, aux fleurons tréflés, est sculpté à l’avers. On reconnaît du lierre, avec ses feuilles caractéristiques et de petites grappes à trois grains. Son feuillage toujours vert fait de cette plante un symbole de vie éternelle. Au centre, les tiges entrelacées forment les lettres IHS, monogramme du Christ. Cette profusion ornementale évoque la fin du XIXe siècle plutôt que son début. Le croisillon a certainement été remplacé. D'ailleurs, on voit au sommet du fût l'emplacement de deux crochets de fer qui devaient maintenir l'ancien.
Pour confirmer cela, il existe une photographie de 1979, accessible par la base Mérimée, qui montre la croix en mauvais état, avec le croisillon à terre, appuyé contre le mur auprès du piédestal. Ce n'est pas le croisillon actuel : c'était alors une croix latine, munie de fleurons de forme différente. Il n'a visiblement jamais été remis en place, et il serait intéressant de savoir d'où provient le croisillon que nous voyons maintenant.






Orientation
6 - Croix de la sortie nord du village

Latitude :  46° 56' 56,62" N
Longitude : 4° 45' 08,39" E

Altitude : 228,40 m
Taille : 3,80 m

À de nombreuses occasions (Ascension, Pentecôte, Fête-Dieu, rogations, …) les fidèles se déplaçaient en procession en faisant en général le tour des croix du village. Celles-ci étaient décorées de fleurs, tout particulièrement pour la Fête-Dieu.
Inscription sur le piédestal :
ANNE
CARILLON
VEUVE
LATOUR
Date sur le dé à la base du fût :
1802 


La date est inscrite sur deux faces opposées du dé. Le titulus INRI figure sur le croisillon.
Cette croix est bien proportionnée, avec son fût cylindrique, sa double marche et sa corniche moulurée. Les faces du piédestal sont ornées d’un cadre formé par une ligne gravée en creux.


 
Selon le terrier de Puligny, une croix existait à ce même emplacement dans les années 1740. Elle se dressait sur ce qu'on appelait alors le Pasquier derrière la Velle. Certainement, Anne Carillon a rétabli une croix abattue par les révolutionnaires.
Mais elle n'a peut-être pas été rétablie à l'endroit même où elle se trouve aujourd'hui : en effet, les écrits du vigneron de Puligny Jean Latour indiquent que lors de l'installation de la croix actuelle de la place du Monument, en 1856, il y avait une ancienne croix qui a été transportée sur une petite place près du cimetière. Peut-être s'agit-il de celle-ci.
Cette croix a été victime d’un acte de vandalisme récent.






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7 - Croix du Montrachet

Latitude :  46° 56' 50,23" N
Longitude : 4° 44' 27,43" E

Altitude : 251,80 m
Taille : 3,50 m

Quand on passait devant une telle croix, il était d’usage de faire un signe croix, affirmant ainsi la foi du chrétien en un Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
Inscription sur le dé à la base du fût :
 O CRUX
AVE
1806
Inscription sur le piédestal :
Voici la dernière croix élevée par les soins d’Anne Carillon. Elle veille sur les grands crus qui règnent dans ce secteur. Elle n'est pas mentionnée par le terrier des années 1740.
La pierre du piédestal est altérée, et certaines lettres de l’inscription ne sont plus visibles.


Les N sont inversés et Carillon est écrit Carillion, avec un i supplémentaire, comme sur la croix de l’église. La gravure semble de la même main, ce qui signifie peut-être que le même artisan a travaillé pour les deux croix.


Malgré son état, on voit que son piédestal a été élégamment taillé, avec une moulure à la base. Cependant, on remarque une particularité : le dos du piédestal est grossièrement exécuté, comme s’il devait rester invisible, par exemple engagé dans un mur. De même, la corniche, bien moulurée sur le devant et les côtés, n’est pas aussi bien travaillée à l’arrière et déborde largement à droite et à gauche, comme si elle devait faire partie d’un mur, ou prolonger les pierres du chaperon de couverture d’un muret. Ce muret a été démoli, (on en voit encore des vestiges sur une photographie de 1979 visible sur la base "Mérimée") et la croix est restée avec sa corniche débordante qui lui donne un aspect quelque peu étrange.

  

Avec la croix du cimetière, c’est la seule des croix de Puligny à ne pas présenter un fût cylindrique. Ici, nous avons un fût de section carrée, légèrement chanfreiné.





8 - Croix disparues

Le terrier de Puligny des années 1740 permet de situer trois croix qui n'existent plus :

- La croix du Pasquier
Le terrier nous montre qu'une croix se dressait sous l'Ancien Régime sur l'actuelle place du Pasquier de la Fontaine, et qui était appelée la croix du Pasquier.

- La croix de Saint-Abdon
Selon le terrier, elle a existé sur l'éminence inculte qui domine les Montrachet à l'ouest, dans le prolongement de l'actuelle rue de Poiseul, en haut de ce qui s'appelait alors la rue du Reposoir.
Comme celle d'Auxey, cette croix de Saint-Abdon pourrait avoir été mise là pour protéger le vignoble des orages qui arrivent de l'ouest.

- La croix du Trézin
Le terrier la nomme de diverses manières : croix de la Croisette, croisette du Trézin, croix du Trézin. Il nous indique que c'était une croix de bois.
Située au bord de la route qui conduit de Blagny à Gamay, dans le lieu-dit "le Trézin", elle se dressait au pied de la colline, et faisait la frontière entre Gamay et Puligny.
Quand le curé de Puligny a répondu au questionnaire diffusé pour établir la carte de Cassini, parue en 1759, il a écrit que cette croix "du Traisain" séparait les territoires de Puligny, de Chassagne et de Gamay. En réalité, elle était loin de la limite de Chassagne.





ANNEXE : le dépliant des croix de Puligny-Montrachet













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